- -ment
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-mentélément, du lat. mente, "dans (tel) esprit, de (telle) manière", qui permet de former la plupart des adverbes de manière à partir du fém. des adjectifs (ex. gaie, gaiement; grande, grandement, etc.).I.⇒-MENT1, suff.Suff. formateur de subst. masc. à partir d'un rad. verbal et parfois d'un adj. ou d'un subst.A. — [Le subst. exprime une action, un processus]1. [Le subst. correspond à un verbe trans. ou à l'emploi trans. d'un verbe; le compl. éventuel du subst. correspond gén. au compl. d'obj. du verbe]a) [L'action exprimée par le subst. n'affecte pas la nature de l'obj. sur lequel elle porte]— [Le compl. désigne le plus souvent un inanimé concr.] V. acheminement, chargement, débarquement, dénombrement, établissement, franchissement, maniement, paiement, remplacement, renoncement.— [Le compl. désigne le plus souvent une pers.] V. hébergement, logement, rapatriement, rançonnement, tutoiement.b) [L'action exprimée par le subst. évoque un changement d'état, de condition de l'obj. sur lequel elle porte]— [L'action porte le plus souvent sur une chose] V. abaissement, assainissement, blanchiment, bouleversement, comblement, débrouillement, démembrement, effacement, empierrement, endommagement, (en)gazonnement, nettoiement, peuplement, ravinement, traitement.Rem. Alluvionnement a pour base le subst. alluvion; remembrement a pour base le subst. membre, d'apr. démembrement.— [L'action porte le plus souvent sur une pers.] V. abrutissement, anoblissement, assujettissement, dénigrement, empoisonnement, emprisonnement, endoctrinement, envoûtement, étranglement, licenciement, pervertissement.Rem. Quelques subst. (correspondant à des verbes trans.) ont une var. en -age de même sens ou avec spécification des emplois (v. -age IC).2. [Le subst. correspond à un verbe intrans. ou pronom. ou à l'emploi intrans. ou pronom. d'un verbe; le compl. éventuel du subst. correspond gén. au suj. du verbe, agent de l'action ou siège de l'événement]a) [L'action ou le processus exprimé par le subst. n'implique pas de transformation, de changement de nature] V. assoupissement, avènement, endormissement, étincellement, miroitement, scintillement, rougeoiement, verdoiement.— [Le subst. exprime un mouvement] V. avancement, ballotement, bondissement, cheminement, écoulement, giclement, jaillissement, remuement, ruissellement, tournoiement, vacillement.♦[Le mouvement est propre à une pers.] V. accoudement, accroupissement, agenouillement, boitement, cillement et clignement (d'yeux), dandinement, pelotonnement, prosternement, trémoussement, trépignement.— [Le subst. exprime la production d'un bruit, d'un cri (et, p. méton., ce bruit, ce cri lui-même)]♦[La production du bruit est due à une chose] V. clapotement, craquement, crépitement, ferraillement, grincement, grondement, raclement, roulement, tintement, vrombissement.♦[La production du bruit, du cri est le fait d'un animal] V. aboiement, bêlement, beuglement, coassement, hennissement, jappement, miaulement, pépiement, piaffement, rugissement.♦[Le subst. évoque la production d'un bruit humain ou une manière de parler] V. balbutiement, bégaiement, bougonnement, bredouillement, chuchotement, fredonnement, marmonnement, reniflement, ricanement, vagissement, zézaiement.Rem. Un certain nombre de subst. s'emploient aussi bien pour une chose, un animal, une pers., ainsi hurlement, sifflement.b) [Le subst. exprime une transformation ou une évolution (d'une chose ou d'une pers.) se déroulant d'elle-même] V. adoucissement, affermissement, amuïssement, dépérissement, développement, épaississement, fléchissement, gauchissement, rapetissement, réchauffement, vieillissement; blanchissement, bleuissement, rosissement, rougissement, verdissement.B. — [Le subst. exprime un état: résultat d'une action ou d'un processus d'évolution; il correspond surtout à un emploi passif du verbe]1. [Le subst. exprime l'état d'une chose] V. bombement, cloisonnement, délabrement, enchevêtrement, encombrement, ensoleillement, épuisement, gonflement, hérissement, isolement, raffinement.2. [Le subst. exprime l'état d'une pers.]a) [sur le plan physique] V. endolorissement, engourdissement, enrouement, essouflement, étourdissement, évanouissement, fourmillement, harassement, rassasiement, soulagement.b) [son état, son attitude sur le plan moral, sentimental, intellectuel] V. affolement, agacement, ahurissement, attendrissement, contentement, déchirement, découragement, écoeurement, émerveillement, énervement, étonnement, ravissement.— [Le subst. exprime une qualité ou un trait de caractère] V. acharnement, attachement, désintéressement, détachement, dévouement, entêtement.Rem. Certains subst. exprimant un état ont pour base un adj.: enneigement b enneigé, sous-développement b sous-développé, surpeuplement b surpeuplé; aveuglement b aveugle, désoeuvrement b désoeuvré, enjouement b enjoué.C. — [Le subst. désigne une chose concr. ou abstr.]1. [La base est un verbe]a) [Le subst. exprime le plus souvent le résultat de l'action] V. amoncellement, assortiment, bâtiment, chargement, détachement, enfoncement, lotissement, pavement, placement, rebondissement, rendement.— [Le subst. désigne un acte, un ensemble d'actes] V. acquiescement, agissements, applaudissements, consentement, errements, raisonnement, remerciement.— [Le subst. désigne un bruit, un cri (supra A 2 a)]b) [Le subst. exprime le moyen, l'instrument de l'action ou le suj. de l'action] V. accompagnement, assaisonnement, cuirassement, déguisement, divertissement, embêtement, encouragement, enjolivement, pansement, rafraîchissement, renseignement.— [Le subst. désigne une faculté] V. discernement, entendement, jugement, sentiment.c) [Le subst. désigne un lieu] V. accotement, emplacement, établissement, logement.Rem. Dans certains subst. la base verbale est de moins en moins ressentie, ainsi arrondissement, département, garnement, gisement, parlement. Ameublement, assentiment, battellement viennent de verbes disparus aujourd'hui. Événement vient du lat. evenire sur le modèle de avènement, lui-même dérivé de l'anc. verbe avenir.2. [La base est un subst., gén. préfixé] V. appontement, embranchement, empiècement, enrochement, entablement, piètement.Rem. gén. 1. Les dér. en -ment ont dans de nombreux cas des valeurs variables et le même subst. peut désigner une action et un état ou une action et une chose, ou correspondre à l'emploi trans. et à l'emploi intrans. d'un même verbe. 2. On peut noter à côté d'eux a)de nombreux empr. au lat., venant de subst. en -mentum: argument, détriment, élément, excrément, filament, fondement, instrument, médicament, nutriment, pigment, piment, sacrement, sédiment, tourment; b)quelques empr. à l'ital.: appartement, compartiment; c) à l'angl.: désappointement; d) à l'ar.: truchement.A. — -ement s'ajoute au rad. des verbes du 1er et du 3e groupe même s'il est terminé par une voyelle, ainsi battement, changement, dénouement, éternuement, gréement, licenciement (sauf dans agrément, châtiment, braiment, où il y a eu amuïssement du -e-) et au rad. des subst. et des adj.— L'adjonction du suff. -ement entraîne une transformation du rad.♦y > i dans les verbes en -yer: les formes -ayement, -oyement, ainsi bégayement, déployement (ou parfois -aîment, -oîment, ainsi atermoîment, flamboîment) ont disparu au profit des formes en -aiement, -oiement. Ac. 1932 ne note plus enrayement, étayement mais enraiement, étaiement. Grasseyer cependant donne grasseyement.♦Transformation de [
] ou [e] en [
], se traduisant graphiquement par -è-: achèvement, dégrèvement; affrètement, blèsement, règlement.
Rem. Dans abrégement, allégement, hébétement, la graph. ne correspond plus à la prononciation.♦Dans les dér. des verbes en -eler, -eter, [] se traduit graphiquement par -è- (p. ex. écartèlement, décèlement, démantèlement, halètement) ou par un redoublement de consonne (p. ex. amoncellement, bossellement, ensorcellement, morcellement). Il y a hésitation dans cisèlement/cisellement, cliquètement/cliquettement, craquèlement/craquellement, craquètement/craquettement, martèlement/martellement.
♦Assourdissement de la consonne finale du subst. dans piètement.B. — -issement (syll. «inchoative» -iss- + suff. -ement) est la forme des dér. des verbes du 2e groupe: blanchissement (v. aussi infra blanchiment), gauchissement et de quelques verbes du 3e groupe: accroissement, bruissement (a remplacé l'anc. bruiement), connaissement, endormissement (à côté de endormement).C. — -iment1. Remplace -ement. La forme médiév. sentement a donné sentiment (sous l'inf. de sentir, senti, et peut-être de l'ital. sentimento). De même dissentement, ressentement, fournement ont donné dissentiment, ressentiment, fourniment (peut-être sous l'infl. de l'ital. furnimento).2. Sous l'infl. de ces mots, des dér. en -iment ont été créés à partir de verbes en -ir: assortiment, blanchiment, pressentiment. On trouvait en a. fr.: amortiment, baniment, enchériment (cf. NYROP t. 3 1936, § 412). Blanchiment pourrait aussi venir de l'a. fr. blanchier avec amuïssement de-e-.Productivité. -ment a perdu de sa vitalité au profit du suff. -age pour désigner des opérations techn. sauf dans le domaine écon.: financement date du XIXe s.; barrement (d'un chèque), intéressement, investissement (dans son emploi en écon.) du XXe s. Il garde une certaine vitalité dans ses autres emplois; on peut citer parmi les créations nouvelles: a) au XIXe s.: affairement, ahurissement, apitoiement, assouplissement, chambardement, conditionnement, décuplement, déraillement, emballement, embourgeoisement, encanaillement, fonctionnement, jacassement, rancissement, sifflotement; b) au XXes.: actionnement, apparentement, défoulement, enneigement, louvoiement, positionnement, ressourcement, tiédissement. Les créations à partir de subst. sont peu nombreuses et datent en majorité des XIXe et XXes.: au XIXes.: alluvionnement, empiècement; au XXes.: piètement, remembrement.Prononc.:[-]. Étymol. et Hist. -ment vient du suff. lat. -mentum qui s'ajoutait à un rad. verbal pour former des dér. exprimant le résultat de l'action exprimée par le verbe (p. ex. frangere > fragmentum) ou les moyens, l'instrument de cette action (p. ex. alere > alimentum, ornare > ornamentum). Le fr., dès les premiers temps, partant des formes de la 1re conjug., a considéré la voyelle -a- comme appartenant au suff. qui devient -amentum et donne -ement (cf. DARM. 1877, p.77). Dès le lat. pop. tardif et en fr., le suff. est utilisé pour former des noms d'action. Bbg. BRUNEAU (Ch.). N. créés au moy. du suff. -ment. In: [Mél. Orr. (J.)]. Manchester, 1953, pp.22-33. — BRUNET (É.). Le Vocab. fr. de 1789 à nos jours d'après les données du TLF. Genève-Paris, 1981, t.1, pp.431-435. — DUBOIS (J.). La Trad. de l'aspect et du temps ds le code fr. Fr. mod., 1964, t.32, pp.24-26. — LÜDTKE (J.). Prädikative Nominalisierungen mit Suffixen im Französisch. Tübingen, 1978, pp.94-108. — MERK (G.). La Vitalité des suff. nominaux, du lat. au fr. R. Ling. rom. 1970, t.34, pp.194-223. — POURADIER DUTEIL (F.). Trois suff. nominalisateurs. Tübingen, 1978, pp.142-158.
II.⇒-MENT2, suff.Suff. formateur de nombreux adv., à partir d'adj. le plus souvent.I. — [Les adv. modifient un constituant de l'énoncé]A. —[Adv. de manière]1. [Les adv. traduisent une façon d'agir, une manière d'être, équivalent à d'une manière + adj. de base, ou parfois avec + subst. correspondant à cet adj.]a) [La base évoque un trait de caractère ou de comportement, une qualité, un état] V. admirablement, calmement, courageusement, cruellement, durement, finement, franchement, (dés)honnêtement, lucidement, méchamment, négligemment, nettement, orgueilleusement, précipitamment, tranquillement.b) [La base évoque une pers. du point de vue de sa fonction, de son état; les adv. équivalent à à la façon de + subst.] V. artisanalement, artistement, bourgeoisement, chrétiennement, dictatorialement, filialement, maternellement, paternellement, patriotiquement, populairement.c) [Adv. d'interr.] V. comment.Rem. 1. Ces adv. de manière sont très nombreux et constituent la classe la plus importante. 2. Ils peuvent qualifier qqf. un adj.: des sentiments respectueusement dévoués. 3. Ils qualifient gén. le verbe, soit le verbe seul: regarder fixement, attendre vainement, soit le verbe et en même temps le suj.: il travaille intelligemment, soit le verbe et à travers lui l'obj.: blesser mortellement une personne, conserver précieusement une lettre.2. [Les adv. traduisent une façon de procéder, souvent en rapport avec une techn. ou une sc.] V. dialectiquement, expérimentalement, instinctivement, manuellement, mentalement, nominalement, oralement, synthétiquement, théoriquement; électriquement, graphiquement, photographiquement, téléphoniquement; algébriquement, géométriquement.3. [Les adv. indiquent la fonction occasionnelle d'un mot] V. adjectivement, adverbialement, nominalement, prépositivement, pronominalement, substantivement, (in)transitivement.4. [Les adv. indiquent l'ordre auquel on se réfère] V. alphabétiquement, chronologiquement.5. [Les adv. indiquent une localisation ou une position dans l'espace] V. localement, mondialement, universellement; extérieurement, intérieurement; centralement, latéralement; diagonalement, horizontalement, obliquement, parallèlement, perpendiculairement, verticalement.B. —[Adv. de quantité ou d'intensité ou à valeur quantitative ou intensive; ces adv. sont des synon. plus expressifs de peu, assez, beaucoup, très, presque]— [En allant du degré maximal au degré minimal]♦V. énormément, excessivement, extrêmement, fortement, infiniment, largement, pleinement, profondément, tellement; diablement, follement, formidablement, joliment, rudement; sacrément, vachement.♦V. modérément, moyennement, suffisamment.♦V. faiblement, légèrement, médiocrement, ridiculement.— [En allant du tout au rien]♦V. absolument, complètement, entièrement, exhaustivement, globalement, intégralement, totalement; doublement, triplement.♦V. partiellement.♦V. approximativement, quasiment.Rem. 1. Ces adv. qualifient, selon les cas, un verbe il travaille énormément, un adj. il est drôlement intelligent, un adj. comparatif il est infiniment meilleur, un adv. c'est tellement mieux, une loc. verb. j'ai modérément faim. 2. Certains peuvent être suivis d'un subst. introd. par de: il lui faut énormément d'argent.C. — [Adv. de temps ou évoquant une notion temporelle]1. [Les adv. évoquent le moment d'un procès] V. matinalement, nuitamment.— En partic. [Le moment est situé]♦[p. réf. à un prés.] V. anciennement, antérieurement, précédemment, fraîchement, nouvellement, récemment; actuellement, présentement; incessamment, immédiatement, prochainement, postérieurement, ultérieurement.♦[p. réf. à une limite] V. initialement, originairement, primitivement, finalement.♦[p. réf. à une moyenne] V. précocement, tardivement.2. [Les adv. évoquent l'écoulement du temps, la survenue d'un procès] V. doucement, lentement, rapidement; graduellement, progressivement; brusquement, soudainement, subitement; simultanément, successivement.3. [Les adv. évoquent la périodicité, la continuité ou la non-continuité d'un procès] V. annuellement, hebdomadairement, journellement, mensuellement, quotidiennement; périodiquement, occasionnellement; fréquemment, généralement, rarement; continuellement, perpétuellement; momentanément.II. — [Les adv. établissent une relation entre des termes d'un énoncé, servent à l'articulation du discours]A. —[Les adv. établissent un ordre chronol.]1. [Certains adv. de temps] V. finalement, primitivement.2. [Adv. formés sur des adj. numéraux] V. premièrement, deuxièmement, secondement, troisièmement.B. —[Les adv. mettent en relief l'un des éléments d'un ensemble, introduisent une circonstance privilégiée, une restriction] V. notamment, particulièrement, principalement, spécialement; seulement, uniquement.C. —[Les adv. marquent un rapport entre des éléments de l'énoncé] V. également, mêmement, pareillement (à), semblablement; inversement, autrement; réciproquement; conséquemment, subséquemment; conformément (à), contrairement (à), corrélativement (à), indépendamment (de), relativement (à).III. — [Les adv. ne modifient pas des éléments de l'énoncé]A. —[Les adv. portent sur l'ensemble de l'énoncé et traduisent le jugement que le locuteur porte sur cet énoncé; ils équivalent à il est + adj. de base + que + énoncé; ils expriment p. ex.:]— [l'incertitude, la non-évidence] V. apparemment, probablement, vraisemblablement; bizarrement, curieusement, étrangement, paradoxalement, singulièrement.— [la certitude, l'évidence, la vérité, la nécessité] V. assurément, certainement, décidément, incontestablement, indéniablement, sûrement; évidemment, manifestement, naturellement; effectivement, réellement, vraiment; fatalement, forcément, nécessairement.— [une appréciation d'ordre affectif, d'ordre moral] V. heureusement, malheureusement; justement, légitimement.B. —[Les adv. ne portent pas sur l'énoncé lui-même mais indiquent certaines des conditions de production de l'énoncé]1. [Les adv. indiquent l'attitude que le locuteur (et l'interlocuteur) doit avoir pour dire telle chose] V. franchement, honnêtement, sincèrement, sérieusement.Rem. Les adv. peuvent entrer dans les loc. pour parler + adv., adv. + parlant: pour parler franchement, sincèrement parlant.2. [Les adv. limitent la portée, la vérité de l'énoncé]a) [à un certain domaine (ce qui est dit ne vaut que dans ce domaine); ils équivalent à du point de vue + adj. de base, ou du point de vue de + subst. correspondant à cet adj.] V. acoustiquement, dynamiquement, économiquement, étymologiquement, géologiquement, légalement, linguistiquement, mécaniquement, physiologiquement, poétiquement, professionnellement, scéniquement.Rem. Ces adv. peuvent être suivis de parlant: statistiquement parlant.b) [à un aspect seulement de qqc. (ce qui est dit ne prend en compte que cet aspect); ils équivalent à sur le plan + adj. de base, quant à + subst.] V. abstraitement, concrètement; fonctionnellement, formellement, matériellement, physiquement, temporellement; intellectuellement, mentalement, moralement; pratiquement, théoriquement; qualitativement, quantitativement; personnellement, généralement.MorphologieA. — Les adv. en -ment ont essentiellement pour base des adj.1. La base est la forme fém. en -e d'un adj.a) Forme où -e est précédé d'une consonne, -ement, ainsi amicalement, bonnement, heureusement, vivement.Rem. Brièvement, grièvement sont formés sur les anc. formes briève, griève; traitreusement est formé sur l'anc. adj. traitreux, -euse.b) Forme où -e est précédé d'une voyelle.— Forme -ment. -e a disparu progressivement aux XVe et XVIe s. de la prononc. et de la graph., ainsi éperdument, hardiment, ingénument, joliment, prétendument, vraiment. Il n'a été maintenu que dans gaiement. Il est rappelé par un accent circonflexe dans certains adv. formés sur un adj. se terminant par -u, -ue: assidûment, continûment, crûment, (in)congrûment, (in)dûment, goulûment. On a écrit aussi gaîment.— Forme -ément. Cette forme est due à l'amuïssement régulier de -e dans les adj. et part. passés adj. terminés par -é, -ée, ainsi aisément, carrément, délibérément, effrontément. P. anal., on a créé ou refait des adv. en -ément, alors que l'adj. se termine par -e, ainsi commodément, communément, confusément, énormément, expressément, exquisément, immensément, intensément, obscurément, profondément.Rem. L'anc. adv. impuniment a été refait en impunément.2. La base est un adj. épicène: forme -amment, -emment.a) En a. fr., -ment s'ajoutait à la forme unique de l'adj. On trouvait dans la langue du Moyen Âge des adv. comme fortment puis forment, grantment puis gramment, mais le développement d'un fém. anal. en -e pour l'adj. a entraîné leur réfection, d'où les formes actuelles fortement, grandement. Seuls subsistent les adv. dérivés d'adj. terminés par -ent, -ant; l'amuïssement de la consonne finale et l'assimilation du n donnent les formes -amment, -emment: ardemment, brillamment, couramment, différemment, élégamment, éminemment, méchamment, prudemment, savamment. Les réfections sur une forme fém. que l'on rencontre entre le XIVe et le XVIe s.: excellentement, méchantement, n'ont pas prévalu sauf présentement, véhémentement.b) P. anal., des adv. en -emment ont été formés à partir d'adj. qui possédaient une forme fém. -ente: dolemment, succulemment, violemment (sauf lentement).Rem. Noter les créations à partir de l'adj. compétent: compétentement (Péladan; noté vx), compétemment (Chateaubr.).B.— Les adv. dérivent d'autres classes de mots.1. De part. prés.: notamment, précipitamment.2. De subst.— Nuitamment (réfection de l'anc. adv. nuitantre).— Le subst. de base peut être empl. comme adj. ou comme interj.: bêtement, diablement (et diantrement), bigrement (et bougrement), vachement.Rem. 1. On peut ajouter de nombreuses créations d'aut. (où le subst. de base n'a pas toujours un emploi adj.), ainsi bonhommement, bontément, camaradement, chattement, chiennement, chérubinement, commèrement, dimanchement, hommement. 2. On rencontre aussi un adv. formé sur un nom propre, baudelairement.3. D'adverbes: comment, quasiment.4. D'adj. et pron. indéf.: aucunement, autrement, mêmement, nullement, tellement.Productivité. Le suff. est toujours disponible pour former de nouveaux adv. d'un emploi plus ou moins étendu; les créations d'aut. sont fort nombreuses. L'emploi des adv. en -ment au sens de «du point de vue de» (supra III B 2 a) accentue encore le caractère disponible du suff. Parmi les créations nouvelles d'un emploi assez étendu, on peut relever p. ex.: a) pour le XIXe s.: administrativement, algébriquement, approximativement, artistiquement, automatiquement, banalement,classiquement, commercialement, égoïstement, elliptiquement, financièrement, formidablement, industriellement, morphologiquement, officieusement, philologiquement, plastiquement, prosaïquement, sexuellement; b) pour le XXe s.: artisanalement, génétiquement, impulsivement, irréversiblement, péjorativement, réalistement, sadiquement, sociologiquement, vachement.Prononc.: [-]. Étymol. et Hist. -ment vient de l'ablatif mente du subst. fém. lat. mens, mentis «esprit, disposition d'esprit». Les groupes adj. + mente formaient des compl. circ. où le subst. prit peu à peu le sens de «manière d'être». Ces groupes se sont lexicalisés et ment(e) fut senti comme un simple suff. adv. qu'on a pu accoler à des adj. ou des adv. ,,Le plus ancien exemple d'une formation adverbiale effectuée à l'aide du substantif mente réduit à l'état de suffixe, se trouve dans le glossaire de Reichenau (I, § 12, 1), où «singolariter» a été traduit en langue vulgaire par solamente`` (NYROP t.3, §603). Bbg. Adv. en -ment, manière, discours. Lexique. Lille, 1982, n° 1, pp.7-164. — BISCHOFF (H.). Setzung und Transposition des -mente-Adverbs als Ausdruck der Art und Weise. Zürich, 1970, 227 p.— DARM. 1877, pp. 121-124. — ERNST (G.). Adverb und Modalisator im Französischen. Z. fr. Spr. Lit. 1977, t. 87, pp. 1-19. — GRELSSON (S.). Les Adv. en -ment. Lund, 1981, 246 p. — HANSÉN (I.). Les Adv. prédicatifs fr. en -ment. Göteborg, 1982, 230 p. — HONG CHAI-
. Les Adv. de temps en -ment en tête de la phrase. Fr. mod. 1975, t.43, pp.148-157. — HOWDEN (M. S.). A Semantic study of word formation in Fr. Ann Arbor, 1982, pp. 175-180. — KARLSSON (K. E.). Syntax and affixation: the evolution of mente in Latin and Romance. Tübingen, 1981, pp. 53-77. — KLEIN (H.-W.). Courageusement-avec courage. Mél. Imbs (P.) 1973, pp. 407-414. —
OZINSKA (M.). La Formation des adv. en -ment ds le fr. contemp. Warszawa, 1978, 143 p.; Rem. sur le rapp. entre la fréq., la longueur et l'adverbialisation des adj. Kwart. neofilol. 1976, t. 23, pp. 177-179. — MØRDRUP (O.). Une Analyse non-transformationnelle des adv. en -ment. Copenhague, 1976, 240 p.; Sur la classification des adv. en -ment. R. rom. 1976, t.11, pp. 317-333. — NILSSON-EHLE (H.). Les Adv. en -ment compl. d'un verbe en fr. mod. Volkstum und Kultur der Romanen. 1942/43, t.15, pp.188-192 ; Sur les adv. en -ment qui signifient «en qualité de», «à titre de». In: [Mél. Mélander (J.)]. Uppsala, 1943, pp. 140-160. — POTTIER (B.). Probl. rel. aux adv. en -ment. In:[Mél. Griero (A.)]. Barcelone, 1960, pp.191-205. — SABOURIN (C.), CHANDIOUX (J.). L'Adv. fr. St-Sulpice de Favières, 1977, 131 p. — SCHLYTER (S.). La Place des adv. en -ment en fr. Thèse, Konstanz, 1977. — SCHWARZ (C.). Der Nichtnominale ment-Ausdruck im Frz. München, 1980, 528 p., passim.
1. -ment❖♦ Élément, du lat. mens, mentis « esprit, disposition d'esprit, intention », qui signifie « de manière », et sert à former la plupart des adverbes (ex. : fort, fortement; mou, mollement; bête, bêtement; méchant, méchamment; confus, confusément; gai, gaiement; vrai, vraiment).1 Dès le latin de la décadence, un certain nombre d'adverbes se formaient par l'adjonction d'un nom latin mente, qui signifiait esprit (…) l'analogie avait rapidement étendu ce type à des adjectifs auxquels le mot esprit ne s'appliquait plus. Ment équivalait là à façon, et il était devenu rapidement une sorte de suffixe capable d'enrichir sans cesse la langue de toutes sortes d'adverbes.F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 596.REM. La base est en général la forme féminine d'un adjectif — ou de l'emploi adjectif d'un substantif —; quelques interjections ont servi de base (bougrement). Ce suffixe peut fonctionner librement.2 (…) celui que nous appelions alors conspirativement Sourabaya Johnny (…)Aragon, Blanche…, II, I, p. 185.3 (…) un joujou d'enfant, un diable qu'il fait jaillir gaminement de sa boîte, avec le coui-coui d'une pratique de polichinelle (…)Ed. et J. de Goncourt, Journal, t. I, p. 100 (1856).4 Un point d'appui entièrement encerclé, un autre à demi enlevé. En fait, le brave bataillon réagissait à la manière de Poivre, insultant homériquement le Chleu et lui lançant son casque à la figure, sans penser. Réactions et réflexes d'énorme bête attaquée au système nerveux lent.Armand Lanoux, le Commandant Watrin, p. 176.5 Liquidement, avec une liqueur infinie, tintent ces notes.Valéry, Rhumbs, Pl., p. 600.6 (…) le piquant imprévu d'une grâce exotiquement bourgeoise, louis-philippement indienne.Proust, le Côté de Guermantes, Pl., t. II, p. 540.7 (…) pour certains (positivistes « logiques ») la syntaxe et la sémantique suffisent à déterminer univoquement les règles d'utilisation.J. Piaget, Logique et Connaissance scientifique, Encycl. Pl., p. 85.————————2. -ment❖♦ Élément servant à former des noms d'action (comme -age ou -[a]tion), sur un radical verbal. Ex. : écartement, embourgeoisement, financement, remaniement.0 Une double répartition suffixale tend à se faire; le suffixe -age correspondant à un emploi transitif du verbe, indique une opération industrielle, une phase de fabrication, -ment, correspondant à un emploi intransitif, indique un résultat acquis; il se maintient dans les vocabulaires abstraits, en économie politique, en psychologie, etc. (…) Arrosage et arrosement, simples variantes morphologiques, se sont différenciés (…) l'arrosement est le fait d'être arrosé par la pluie (…) Barrement ne se dit plus que des chèques, barrage a une valeur d'emploi plus large (…)J. Dubois, la Dérivation suffixale, p. 29-30.
Encyclopédie Universelle. 2012.